Bilan orthophonique, questionnaire alimentaire : astuces éducatives.

Cet article fait suite à ceux-ci :
1/ Bilan orthophonique, questionnaire alimentaire, oralité primaire
2/Bilan orthophonique, questionnaire alimentaire, comportement de l’enfant
3/Bilan orthophonique, questionnaire alimentaire, textures et aliments
4/ Bilan orthophonique, questionnaire alimentaire, installation

Encore une fois, comme je l’ai déjà dit dans chacun de ces articles : cet article n’est pas destiné aux parents. En le lisant vous ne pourrez en tirer le sens que je souhaite y mettre en le rédigeant pour mes collègues qui ont des connaissances spécifiques en ORL, neurologie, psychologie, développement de l’enfant (entre autre).

Il est également important de questionner les parents sur les astuces qu’ils mettent en place à la maison lorsqu’ils sont en difficulté avec leur enfant.
Petits rappels sur mes bases théoriques
L’étude Opaline (telle que Sophie Nicklaus l’a évoquée lors des Journées Oralité Necker en février 2015) a pu mettre en évidence un lien entre « accès aux aliments » et « astuce éducative » à 24 mois lors de la diversification alimentaire.
– 3 types de styles éducatifs sont repérés : 1/ autoritaire, 2/ Démocratique, 3/ permissif. Il semble que le style permissif impacte peu positivement l’appréciation des aliments.
– Par ailleurs, dans les réponses parentales offertes face aux refus des enfants (récompense, coercition, explication, forçage), il semble que l’explication soit celle qui impacte le plus positivement la diversification alimentaire.
– Enfin, l’étude montre (comme de nombreuses autres auparavant) que la multiplication des présentations (= goûter) de l’aliment initialement refusé, amène l’enfant à l’apprécier après 8 à 10 expositions.
A savoir, N.Rigal évoque les mêmes observations : le style permissif serait moins efficace que le style directif qui lui même serait moins efficace que le style incitatif.

On sait aussi, que les enfants freinés dans la consommation d’un aliment, ou au contraire contraints de manger, voient leur système d’autorégulation déréglé. De manière innée, effectivement, les enfants sont en mesure de manger ce dont leur organisme a besoin. Mais, si on vient interrompre l’enfant avec des exigences (sociétales ou familiales), il perd cette capacité (N. Rigal 2010 / Birch et Fisher 2000)

Autre particularité connue : la notion de terrain familial. Catherine Senez en parle bien, et je le retrouve nettement dans ma clinique : les particularités alimentaires se retrouvent très souvent chez un des parents, voire les deux.

Enfin, la période de néophobie, très décrite dans la littérature, rappelle la fenêtre développementale pendant laquelle il est fréquent que les enfants refuse les aliments nouveaux. Savoir que cela fait partie du développement normal est important à garder en tête, afin de faire des liens en fin de bilan entre tous les éléments recueillis.

Connaissant ces 4 états de fait, je fais le choix dans mon bilan de faire le point avec les parents des stratégies qu’ils utilisent à la maison, afin de mettre la lumière sur des habitudes éducatives qui peut-être participent aux difficultés observées / les entretiennent, mais aussi possiblement aident l’enfant déjà au quotidien.

Je propose tout simplement de répondre, en fin de questionnaire, à cette question :

Quelles stratégies avez-vous déjà utilisées pour amener votre enfant à manger quand cela est difficile ?
– Le forcer ou faire durer le repas
– Lui donner un jouet
– Lui proposer la télévision / une tablette
– Le distraire en jouant ensemble comme « faire l’avion »
– Se fâcher
– Négocier (si tu manges tu vas bien grandir, je serai content, etc…)
– Faire du chantage
– Changer le menu pour quelque chose qu’il aime
– Le laisser sans manger
– Autre ?

Evidemment cela est évidemment accompagné d’échanges plus larges avec la famille que je rencontre. Mots d’ordre : dédramatiser, écouter, comprendre, valoriser.

Qu’est ce que j’en fais ?
=> je croise ces réponses avec les précédentes afin de confirmer mon hypothèse « orthophonique »
=> j’encourage les familles à poursuivre les conduites déjà mises en place adaptées
=> j’accompagne la famille vers quelques modifications de leurs conduites, notamment quand l’enfant est en grande difficulté et que les astuces mises en place sont contre productives.

Voilà globalement comment s’articule (avec les 4 précédents articles) mon questionnaire alimentaire.
Ensuite, je propose pour compléter mon bilan d’oralité différentes choses :
– précisions sur le nauséeux éventuellement observé
– précisions sur le profil sensoriel de l’enfant
– Journée type : quels aliments mangés ?
– Bilan de langage oral type avec les petits (avec anamnèse type d’un bilan de LO, dont terrain ORL +++)
– examen clinique de l’enfant dont essai alimentaire et évaluation de la déglutition.

n’hésitez pas à ajouter vos idées dans les commentaires…