Parent psychiatrique ou méconnaissance des troubles de l’oralité ?
Parent psychiatrique ou méconnaissance des troubles de l’oralité ? Où en sont les professionnels ?
Après l’article où j’évoquais le besoin de diffusion de l’information sur les troubles de l’oralité ici, un article semblait s’imposer :
le témoignage d’une famille.
J’ai proposé à une maman, rencontrée au hasard de mes discussions, de m’aider pour cet article : je lui ai proposé de répondre par écrit à quelques questions susceptibles de l’amener à vous confier son histoire.
Merci à elle, K-yna Na, d’avoir offert son temps pour partager son expérience.
Vous comprendrez en la lisant que même en bataillant, le chemin est quelquefois long et douloureux.
Professionnels, vous qui lirez, souvenez-vous des mots de cette maman la prochaine fois que dans votre cabinet un parent amènera inlassablement la même plainte. Et pensez aussi à cette maman dès la première fois qu’une famille vous dira « ça ne va pas ». Pensez à laisser la porte ouverte pour que la culpabilité ne s’installe pas dans cette famille-là. Pensez à demander lors du prochain RV si cela va mieux… N’oubliez pas que plus nous voyons tôt ces enfants dans nos cabinets paramédicaux (orthophonistes, kinés, ergos, …), moins complexe est la prise en charge.
Parents, vous qui lirez, retenez qu’il faut parfois insister pour obtenir des réponses. Sachez aussi que de plus en plus de professionnels s’informent sur le sujet. Invitez les au besoin à lire le contenu de ce blog et sa bibliothèque de références.
Interview:
Il paraît qu’un de tes enfants à des difficultés pour manger
Effectivement, j’ai deux enfants. Une fille de 3 ans et demi et un garçon de 2 ans. La première n’a eu aucun souci mais un SDS (Syndrome de Dysoralité Sensorielle) a été diagnostiqué en début d’année pour mon second.
Quel âge avait-il quand tu as observé les premières difficultés ?
Très tôt, il a été un bébé difficile. Il pleurait jour et nuit, ne dormait pas beaucoup même après avoir mangé, avoir été changé. J’étais tous les 15 jours chez le médecin mais pour lui tout allait bien alors que pour moi c’était une autre paire de manches. Il s’est avéré qu’avec la détection de son SDS, j’ai appris que petits, ces bébés étaient sujets à des RGO mais aucun médecin n’a fait la démarche d’examiner autre chose que son poids et sa taille.
Ensuite est arrivée la diversification à l’âge de 5 mois et là, CATASTROPHE ! J’ai eu droit aux pleurs, aux cris, aux vomissements, aux hauts le cœur. J’ai vite lâché prise et je me suis dit qu’il était encore jeune et qu’il n’était pas prêt. J’ai recommencé tous les mois mais j’avais tout le temps le même résultat mais avec le temps je me rendais compte que cela s’amplifiait. Dès que l’on mangeait à côté de lui il avait des hauts le cœur. Il ne restait pas avec nous lors des repas, la nourriture le répugnait.
Ensuite nous avons constaté lors de sa croissance qu’il ne faisait rien de ce qu’avait effectué sa sœur (je sais chaque enfant est différent et a son rythme, on me l’a assez répété). Il ne mettait pas les objets à la bouche, ne touchait pas les jouets encore moins la nourriture. Il ne voulait pas jouer à la pâte à modeler, à la peinture. Pour exemple, nous étions allés à la mer, un seul contact avec le sable et il s’est mis à hurler, pleurer.
Bref, je ne l’ai pas forcé à prendre la cuillère aux vues des résultats. Sa diversification, je l’ai effectuée au biberon. Je mixais les pots en les mélangeant au lait et hop il le buvait d’un trait!!!! Le biberon est devenu la femme de sa vie!!!!!
Tu m’as dit avoir consulté, raconte-nous, que s’est-il passé ?
Ah pour consulter, j’ai consulté. Il a dû voir 10 médecins et pédiatres, 2 ostéo, 1 kiné, 1 magnétiseur (on est tellement désespéré de la situation que j’ai tout essayé lol) et 2 orthophonistes.
Et justement, il ne s’est rien passé.
Entre les médecins qui me répondaient
“Il n’est pas prêt à prendre la cuillère”,
“Il aura le déclic”,
“Il est encore jeune ne vous inquiétez pas”,
“arrêtez le biberon, vous verrez il prendra la cuillère. Un bébé ne se laisse pas mourir”,
“Vous verrez après cette manipulation, dans un mois il mange à la cuillère » (ça fait un an et j’attends toujours),
« Bon, là on va le regarder jouer » (Au bout de 4 séances, Mme l’orthophoniste, mon fils n’a pas un problème de comportement mais de nourriture)”
et la dernière pour la route
“C’est peut-être vous qui avez besoin d’une consultation pas votre fils” (Ca c’était le POMPON!!!!!)
Donc personne pour me donner une réponse concrète. J’avais lu que cela pouvait se régler avec des séances d’orthophonie mais l’échec avec la première m’a découragé. Mon ressenti est que le personnel de santé n’est pas ou pas assez formé à ces problèmes. Il reste sur ses acquis, pense que ce n’est pas un vrai problème et que finalement l’enfant va finir par manger ça coule de source. Personne ne va voir plus loin que le bout de son nez et qu’au final merci le net et merci aux personnes impliquées comme l’on peut trouver sur ces pages Facebook afin de nous aiguiller et de nous donner les réponses que l’on attendait depuis si longtemps. Et c’est une personne du Nord Pas de Calais qui vous écrit et apparemment qui est une des régions les plus en avance sur ce sujet….. (On l’a remarqué!!!!!)
Comment as-tu fini par trouver de l’aide ?
La lumière s’est éclairée au bout du chemin, lors d’une réunion pour ma grande à la maternelle. On en est arrivé à parler des frères et sœurs et du problème de mon fils. La directrice m’a dit qu’elle connaissait une orthophoniste qui pouvait m’aider. RDV pris, problème relaté, réponse donnée: SDS décelé. ET LA, LE MIRACLE FUT!!!!! Apres un an à batailler, je ne suis pas folle, mon fils a vraiment un problème. Quel soulagement de pouvoir mettre un nom sur tout ça et surtout de savoir qu’une solution existe et que J’AVAIS RAISON!!!!!! Et voilà, comment depuis janvier, nous sommes entrés dans le circuit des massages intra-buccaux, de la stimulation sensorielle. J’ai aussi rdv avec une kiné qui va le prendre en charge selon le concept Bobath car apparemment il n’est pas à l’aise dans son corps ainsi qu’avec une pédo-psy afin qu’il soit suivi en UPPE. On verra comment cela va se passer mais depuis janvier plein de portes se sont ouvertes.
Les progrès paraissent minimes à nos yeux mais tellement grand aux leurs que l’on ne peut que les encourager en ce sens. Depuis, il joue avec la pâte à modeler, la peinture, le sable. Il a mis quelques cuillères à la bouche de liquide bien sûr (eau, jus de pomme et Yop, pas de salé). Il touche désormais la nourriture en morceaux, les biscuits pas sans dédain de temps en temps mais il fait l’effort. Les hauts le cœur et les vomissements ont disparu. Quand il ne veut pas il dit non et tourne la tête. Il commence à parler et à se faire comprendre et ça c’est génial. Petit à petit, on voit le bout du tunnel. On est encore loin du résultat mais on va y arriver!!!! Et puis, il n’y a pas de jeune homme de 18 ans encore au biberon!!!!!!
Je peux aussi remercier la crèche car on a mis en place un PAI et ils s’impliquent à fond afin que mon loulou y arrive. Eh bien sûr, beaucoup de mamans viennent me voir pour avoir des renseignements……
Et aujourd’hui que comprends-tu des difficultés de ton enfant ?
Je comprends que j’ai perdu un an et que les progrès auraient été plus significatifs s’il avait été pris plus tôt!!!! Je comprends aussi que ce ne sont pas des caprices. Mon monstre a vraiment un problème avec la nourriture. Même si je pense que des fois il est partisan du moindre effort et se complaît dans son environnement et son biberon, il a vraiment une appréhension vis à vis de tout cela. Il faut sans cesse le stimuler mais à deux ans il en a vite marre et affirme son caractère (Et dieu sait qu’il en a, comme son père mdddrr!!!!). Je sais aussi que ce ne sera pas un enfant qui mangera de tout, qu’il sera sélectif, qu’il ne faudra pas forcer mais proposer encore et encore et peut être qu’un jour ça passera….. Bref, je relativise en me disant que son problème ne concerne que la nourriture et qu’il y a bien pire. Je me dis qu’on y arrivera même si on aimerait que cela se fasse en un claquement de doigt!!!!
Quelle astuce as-tu envie de partager avec les parents qui sont dans ta situation ?
Il n’y a pas forcément d’astuces chaque enfant réagit différemment aux exercices. Chez moi, tout passe par le jeu. Je me rends compte que lorsque l’on joue (transvaser la nourriture d’un bol à un autre, me la donner à manger, jouer avec la cuillère de la dinette au début, puis la mettre dans un verre vide, puis dans un verre d’eau, puis mettre la cuillère d’eau à la bouche), il ne se rend pas compte qu’il fait des choses qui le répugnent en temps normal. Lorsqu’il s’en rend compte il est trop tard mais il continue. Voilà comment les efforts sont faits chez moi!!!!
Je voudrais terminer par un petit mot pour les parents qui me liront et qui n’ont pas encore fait diagnostiquer leur loulou!!!! Ne lâchez rien, on n’écoute pas assez l’instinct des mamans. Si vous vous rendez compte qu’il a un souci, allez taper aux portes, essayez tout ce que l’on vous propose et des fois les idées les plus idiotes sont celles qui auront la solution au bout.
Alors à toi SUPER MAMAN, MAMAN QUI DECHIRE, non tu n’es pas folle, non ton enfant n’aura pas le déclic, oui il a un problème. Ecoute toi, car tu connais ton enfant mieux que quiconque et tu es sa seule voix. N’écoute pas ces médecins qui te diront qu’il n’a rien et non ce n’est pas MUNCHAUSEN!!!! TAPE AUX PORTES et tu verras la première s’ouvrira puis la deuxième, la troisième…….
Maintenant que vous avez découvert l’histoire de K-yna Na, racontez dans les commentaires votre propre parcours : plus simple ? aussi douloureux ? Où en êtes vous, vous qui avez des enfants en difficultés ?
Et vous professionnels qui avez également partagé la lecture de ce témoignage, confiez dans les commentaires votre sentiment : étonné ? choqué ? blasé ? coupable ?
(Photos de l’article : Russian et Jack Teagle)
1 an ici aussi avant d’avoir le diagnostique, 1 an a entendre par les professionnels de santé et par la crèche que c’etait des caprices, ou encore que ça allait passé. Aujourd’hui Abel qui a 2ans et demi, voit une orthophoniste qui nous a demandé de faire les massage de désensibilisation mais Abel ne veut pas ce laisser faire, sa bouche est fermée. donc massage sur le visage mais il n’apprécie pas beaucoup également. Les jeux avec les matières restent difficiles encore, mais on y travaille ..
Ici, j’ai eu l’immense chance d’avoir une pédiatre très à l’écoute et qui avait travaillé en service de pédiatrie à l’hôpital. Mes filles sont nées prématurément et ont toujours eu des troubles alimentaires. L’une d’elle refusait catégoriquement son bib. Une fois qu’elle a été traitée pour RGO puis IPLV, on a exploré les troubles de l’oralité auprès d’une orthophoniste conseillée par notre pédiatre. Mes filles avaient 4 mois. Sa sœur a été diagnostiquée un peu par hasard. A force de discuter avec l’orthophoniste, on s’est aperçu qu’elle aussi présentait des troubles. Ma fille s’est mise à 5 mois a refuser toute forme d’alimentation (liquide et solide, salé ou sucré…). Il nous a fallu 15 mois d’orthophoniste, 8 mois de psychomot et de pedopsy pour qu’elle mange enfin! Et avec les morceaux! Le toucher reste encore un peu “douloureux” pour elle, notamment le sable qu’elle ne supporte pas. Pour ma 1ère fille, celle pour qui on a commencé l’orthophoniste finalement, le problème s’est résolu en 6 mois environ. Désensibilisation par des massages… ça me laissait perplexe au démarrage… Force est de constater que cette technique est miraculeuse!
merci pour ce témoignage (que je trouve en cherchant un autre lu il y a longtemps…)
C’est chouette d’avoir un retour des familles à propos des massages de désensibilisation. Elisa
Merci pour ces témoignages. Je viens de mettre un nom il y a peu de temps en regardant une émission sur cette dysoralité sensorielle dont souffre mon fils de 4 ans. Maintenant le problème est de trouver l’orthophoniste qui pourra le prendre en charge sur le secteur de boulogne sur mer. Quelqu’un pourrait-il m’aider? Merci par avance
Bonjour Silvia.
Pour trouver une orthophoniste dans votre secteur, prenez les pages jaunes et on peut imaginer qu’après un ou deux coups de fil, même si l’orthophoniste contactée n’est pas formée, elle saura vous orienter vers une collègue qui l’est.
Bon courage !
Elisa
Je suis sous choque. Mon fils a la même chose et personne ne trouve rien.
J’ai deux garçons, un de 3 ans et 3 mois et un de 2 ans et 2 mois. Celui de 3 ans est autiste sévère et celui de 2 ans mange tout mixé à la cuillère ou biberon. L’allaitement pendant 8 mois a été une bataille et a 12 mois on découvre un frein de langue trop court. Passage au biberon impossible jusqu’à ses 14-15 mois. La diversification…je souffre juste en pensant…c’était des vomissement tout le temps. J’ai consulté ici sur Paris une dizaine de pédiatres. Certains m’ont dit des mots horribles et que mon fils est en souffrance à cause de moi. J’ai eu même une enquete sociale du à ça. Depuis 6 mois je vois un pédiatre à l’hôpital Robert Debré et personne ne sait pas ce qu’il a mon fils. La semaine dernière m’ont parlé d’anorexie…
La sincèrement je tremble de colère et je me dis ce n’est pas possible, j’ai vu des spécialistes à l’hôpital et n’ont rien dit…
Ma fille de 6 ans a également un soucis alimentaires importants et ce depuis sa naissance.
J’ai beau chercher de l’aide, personne ne souhaite nous recevoir. Le pédiatre m’a dit d’aller voir une psychologue (chose faite mais servi à rien).
Seule une orthophoniste peut nous aider mais elles ne daignent même pas décrocher leur téléphone !!! C’est un scandal !!
Ma fille a failli faire un malaise cette semaine au centre aéré car elle n’avait rien mangé. Les médecins s’en fichent totalement car elle est dans la courbe de poids (forcément elle ne se nourri quasi quasiment que de jambon et pates !!).
Je suis désespérée.
Bonjour madame
J’entends votre cri de détresse. Je vous propose de laisser un message aux orthophonistes qui ne répondent pas et de préciser votre demande. Bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui formés et entendent dans le même temps l’urgence de la demande « Oralite ».
Précisons : si les orthophonistes ne répondent pas :
– possiblement en congés l’été
– fort probablement en séance en dehors de leurs congés, et n’ont pas le budget d’autres pros de santé susceptibles d’avoir l’aide d’un secrétaire pour les suppléer
– les orthophonistes sont souvent débordés (zones sous dotées nombreuses en France), et au regard de la longueur de la liste d’attente (18 mois très souvent voire plus), ils ne rappellent que rarement sans connaître le motif (urgent) de la demande… parce qu’ils font aussi souvent le choix de prendre des patients « urgents » sur le temps qui auraient pu être dédié à « rappeler les familles en attente en fin de journée ».
– par ailleurs, humanité oblige, il me semble que de nombreux orthophonistes souffrent aussi de la teneur des propos souvent reçus, en colère (légitime) des familles qui ne trouvent de place nulle part. Sont ils pour autant responsables ? Je ne le crois pas.
Bref… restez zen, si vous y parvenez (et j’entends l’urgence par ailleurs, comprenez le bien !), insistez en cette période de septembre. En laissant un message et en prononçant les mots « Oralite / urgences », il est fort possible que vous soyez plus aisément rappelée
Bon courage.
Cet article, j’aurai pu l’écrire… Nous, notre errance à duré 13 ans ! 13 ans avant de savoir le nom de ce trouble, que de temps perdu… Toutes ces phrases culpabilisantes, tous ces reproches, toutes ces incompréhenssions… Notre fils a maintenant 19 ans et ne mange quasiment rien et le 2e né 18 mois après lui a pris le même chemin, le quotidien pour eux est compliqué.