Orthophonie et lavage de dents

Cet article vise à expliquer succinctement pourquoi le lavage de dents peut devenir, en plus du soin hygiénique bien connu, un geste participant à la prise en charge de l’enfant qui consulte en orthophonie.

Le brossage de dents est rarement correctement mis en place chez les petits qui consultent pour des difficultés de langage ou d’alimentation. En effet, il n’est pas rare que les contraintes développementales de l’enfant gênent la sérénité de sa mise en place, et que cela retentisse sur son comportement ; l’enfant est peu enclin, voire très opposant et résiste à se faire brosser les dents.

En aidant à mettre en place ce geste écologique du quotidien, l’orthophoniste guide puis accompagne les parents qui participent alors directement à la prise en soin de leur enfant.

4 bonnes raisons de brosser les dents d’un enfant

1. Le brossage de dents fait partie des soins indispensables à la bonne santé bucco-dentaire. Un nettoyage quotidien permet de prendre soin des dents de l’enfant et d’éviter les caries. En savoir plus sur ameli.fr.

Rappelons que les caries font mal, peuvent participer au bavage observé, peuvent gêner la mastication.

2. Le brossage de dents est une aventure sensorielle qui mêle plusieurs sens. Or la multimodalité sensorielle (vivre des événements avec plusieurs sens) participe au bon développement de l’enfant.

Rappelons que cette multimodalité participe à comprendre finement les événements du quotidien, et permet donc de se préparer et de s’adapter au fil des expériences vécues. Plus l’enfant se lave les dents, plus il reconnaît les stimulations reçues, et mieux il se sent en sécurité. Parfois le simple changement de dentifrice chamboule les habitudes de l’enfant et le rend alors opposant. Quand on est petit, cela est normal, et mérite d’être peu à peu accompagné pour pouvoir assouplir le panel de possibles accepté.

3. Se brosser les dents quotidiennement permet de stimuler la sphère orale de manière écologique et d’aider la bouche à tolérer les stimulations somesthésiques intrabuccales.

Les enfants qui refusent la brosse à dents, sont parfois des enfants qui présentent des irritabilités de la sphère orale (appelées aussi hypersensibilité orale). Il est donc difficile pour les parents de faire des propositions à l’enfant stimulant cette sphère orale, or moins les enfants sont sollicités sur ce plan, plus cela renforce leur irritabilité voire l’aggrave. En trouvant des stratégies pour peu à peu mettre en place ce brossage quotidien, l’enfant va voir diminuer son irritabilité, et pouvoir accéder à d’autres stimulations telles que celles qu’impliquent une alimentation diversifiée.

4. Lors du brossage de dents, l’enfant découvre la géographie de sa bouche. Il améliore sa « proprioception », c’est-à-dire le contrôle moteur des différents mouvements possibles de la bouche : ouvrir la bouche, bouger la langue, serrer les lèvres, …

Le développement moteur nécessite des informations sensorielles conjointes pour parfaire peu à peu la précision des gestes. Laver les dents permet donc d’offrir à l’enfant des informations sensorielles orales multiples, cohérentes, qui renforcent le développement des gestes moteurs de l’alimentation et du langage.

A terme, se brosser les dents participe à préparer la bouche

  • à recevoir la multitude de sensations que procure l’alimentation
  • à mieux contrôler les mouvements de la sphère orale pour mieux parler, croquer, mastiquer

Pour le brossage de dents, on fait comment ?

L’orthophoniste peut aider les parents à mettre en place le brossage. Un cadre / des astuces sont suggérés pour rendre cela possible dans le quotidien familiale.

Je partage ici mon expérience professionnelle. Celle-ci mériterait d’être complétée par toutes les nombreuses astuces mises en place par mes collègues orthophonistes. Il existe donc sans doute bon nombre de stratégies possibles pour aider un enfant sur ce plan.

Profitant de l’événement du quotidien « brossage de dents », je modifie pour certains enfant le schéma de celui-ci en ajoutant un brossage de l’intérieur des joues avec le dos de. la brosse à dents, mais aussi de la langue en y appuyant légèrement avec le dos ou les poils de la brosse à dents.

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1. un parent + un enfant

Pour les patients suivis en orthophonie, les parents sont premiers intervenants, les enfants viennent en second. Il est indispensable de brosser les dents de l’enfants pendant au moins 2 ans, puis d’étayer son savoir faire pendant au moins autant de temps.

2. Une ou deux brosses à dents

Il est parfois nécessaire que la bouche de l’enfant ait deux brosses à dents : celle des parents (pour l’enfant) et celle que l’enfant manipule lui-même. Il arrive souvent que les enfants ne veuillent pas « rendre la brosse à dents » s’ils ont pris l’habitude de se brosser les dents seuls. Il est alors plus aisé d’en avoir deux, et surtout inutile de batailler au quotidien pour reprendre le contrôle de la brosse de l’enfant.

3. Une installation pour être à l’aise et bien stable

Il est important de penser à l’installation à offrir à l’enfant lorsque le parent l’aide : l’asseoir sur une table à langer, sur un meuble à hauteur de plan de travail, voire le laisser dans sa chaise haute au besoin. L’enfant sera plus confortable. Enfin, le parent peut poser une main sur la nuque de l’enfant pendant qu’il lui brosse les dents, le geste sera plus ajusté, et l’enfant mieux positionné.

4. On compte ou on chante

Pour aider l’enfant à tolérer la longueur du brossage, compter (ou chanter) peut aider à rythmer le geste d’une part, mais aussi permettre à l’enfant de comprendre quand l’activité commence et quand elle se termine (à condition de garder toujours le même rituel de comptage ou de chant).

5. On renforce les bonnes conduites

Si le brossage de dents est important pour la santé et le développement de l’enfant, il est rare qu’il devienne un acte très amusant du quotidien. En renforçant l’enfant, c’est à dire en associant au brossage de dents un événement agréable, l’enfant intègre peu à peu l’événement dans ses obligations quotidiennes, sans que la contrainte soit trop lourde. Il existe mille idées pour renforcer les conduites positives des enfants : se faire applaudir à la fin, coller des gommettes quand on a fini, regarder l’application Ben le Koala pendant le brossage, gagner des images, … Ces renforçateurs doivent être utilisés le temps nécessaires et évoluer pour maintenir le plaisir de l’enfant.

Vous trouverez ici un support pour renforcer les conduites positives au quotidien durant cinq semaines ! Après le brossage, l’enfant colle son image sur le support, puis gagne son animal du jour. Après 5 semaines, il aura accumulé 30 cartes avec 5 familles différentes.

Quand l’enfant ne veut rien entendre et refuse le brossage de dents, comment faire ?

Tout dépend de la contrainte rencontrée par l’enfant.

Vous pourrez trouver ci-dessous différentes astuces que j’utilise dans ma pratique professionnelle pour parvenir à mettre en place le lavage de dents en orthophonie, puis à la maison. Il est important en lisant cette liste d’astuces, d’entendre que si certaines peuvent s’enchainer, elles sont globalement indépendantes les une des autres. Ce listing ne représente donc que des pistes d’aides.

Le plus pertinent serait sans doute d’être accompagné par un orthophoniste pour y voir plus clair… Retenons d’une manière générale, que l’intervention d’un tiers dans ces situations difficiles est souvent porteuse pour chacun.

1. Contrainte motrice (+/- cognitive)

  1. Changer le lieu ou l’installation

2. Contrainte sensorielle (+/- cognitive)

  1. Changez la brosse à dents, et proposer le doigt, ou un doigtier ou une baguette de brossage (prévue au départ pour les bébés) ou une mousse à dents
  2. Trempez le doigt, la brosse / baguette ou mousse à dents dans un gobelet d’eau, peut faciliter l’acceptation en bouche.
  3. Quand l’enfant est dans le bain et qu’il joue (ou qu’il joue les mains dans l’eau), profitez qu’il est « occupé agréablement » pour lui frotter la bouche avec l’eau du bain en disant « oh je frotte la bouche ». Dès que l’enfant tolère bien cela (au fil des jours), suggérez de frotter les dents en insérant un doigt dans la bouche de l’enfant, ou un doigtier/ baguette / mousse à dents.
Des exemples de baguettes de brossage, de doigtier et de mousse à dents :

3. Contrainte cognitive / appréhension de la situation

  1. Accompagnez le geste de l’enfant en tenant la main de l’enfant qui lui-même tient la brosse à dents.
  2. Brossez les dents de figurines animaux type requin, crocodile, lion, … puis celles de l’enfant. A moins que l’enfant ne brosse les. dents de la figurine pendant que son parent lui lave les siennes ?
  3. Proposez une progression des espaces brossés : en bas seulement, puis le lendemain en haut aussi, etc…
  4. Proposez une progression de la durée du brossage. Le premier jour on compte jusque 8 une seule fois en brossant, le deuxième jour on compte 2 fois jusque 8, etc…
  5. Jouer avec les baguettes de brossage de dents (vous devez en avoir deux pour cela) : jouez à croquer comme un gros lion en mordant votre baguette devant l’enfant / jouez à cacher votre baguette dans votre bouche. Invitez l’enfant à prendre la baguette que vous serrez entre nos dents « comme un gros crocodile », puis inverser les rôles. Peu à peu l’enfant va moins appréhender cette baguette, et laisser l’adulte mimer un brossage de dents avec. Repassez ensuite à la brosse initiale.
  6. Pensez à renforcer chaque conduite positive repérées.

N’hésitez pas à partager les astuces que vous utilisez pour accompagner vos patients, ou vos enfants : les commentaires sont là pour cela !