Comment se développe le langage oral ?

Comment se développe le langage oral ?

Le langage oral se construit sur plusieurs socles :
Des capacités auditives (comme chacun le sait déjà) : pour reproduire des sons, des mots, il est important de les entendre correctement.
Des compétences visuelles (un besoin de lunettes peut perturber la mise en place du langage. Nous pensons à vérifier l’audition des petits sans langage, mais oublions trop souvent leurs yeux)
Des compétences praxiques = les mouvements de bouche que l’on commande, que l’on organise de plus en plus précisément grâce à nos yeux (qui vérifient sur la bouche de maman) et nos oreilles (qui nous aident à comparer entre ce qu’on vient de produire et ce que maman a dit).
Un modèle linguistique = des gens qui parlent à l’enfant : les parents, les nounous, les grands-parents, les frères et sœurs sont de très bons modèles.
Pourquoi ? Parce qu’ils offrent des modèles fréquents–répétés-cohérents avec le vécu de l’enfant ET adressés à l’enfant directement. L’école et la crèche qui abordent les enfants « en groupe » plus qu’en individuel sont de moins bons modèles, même s’ils apportent d’autres choses pertinentes (évidemment) pour le développement.
– Une attention suffisante : restons prudents vis-à-vis de cet aspect car l’attention d’un enfant sans langage est souvent moins développée sans que cela n’explique automatiquement le déficit de langage. Il arrive que des enfants suivis améliorent très nettement leurs capacités attentionnelles grâce à ces activités cadrées répétées.

Récapitulons : pour se mettre à parler il faut avoir :
1/un adulte qui nous parle, nous donne envie d’échanger avec lui et que
2/ on entend avec ses oreilles +
3/ on voit avec ses yeux et
4/ une bouche qui remue habilement pour produire des mots.

Avant de parler, un enfant a besoin de comprendre. Et pour comprendre un enfant a besoin de vivre des expériences répétées qui présentent les mêmes schémas (ex : j’ai faim, je pleure, maman arrive avec un truc à la main, elle dit à chaque fois le mot « biberon », je finis par penser que quand j’ai faim, y’a « biberon » pas loin, puis par intégrer que le « biberon » c’est cet objet-là). A force de rencontrer les situations répétées, il peut « tirer des conclusions / des liens » entre ce qu’il vit et ce qu’il entend. L’enfant apprend aussi à regarder la direction que maman lui indique (souvent au début elle l’aide en lui orientant son visage, en pointant avec son doigt aussi), puis il commence lui aussi à pointer avec son doigt tant il réalise le pouvoir que cela peut avoir pour échanger avec les autres. Enfin, les enfants en vivant toutes ces activités agréables avec leur entourage aimant, imitent spontanément ce qu’ils voient et entendent.

Je veux préciser ces questions d’imitation : un enfant qui n’imite pas n’est pas un enfant qui ne veut pas imiter, ou qui ne sait pas imiter, mais un enfant qui est gêné pour imiter. S’il ne vous imite pas, il faut trouver pourquoi pour pouvoir l’aider. Imiter ça demande de regarder, d’écouter, d’être attentionné et intéressé par ce qui arrive autour. Quand tout cela est réuni, il faut après que l’enfant « puisse » sur le plan instrumental, c’est-à-dire que son corps lui permette cela, que ses mouvements soient suffisamment contrôlés pour « faire pareil ». Mouvements du corps (pour dire au revoir avec la main) et mouvements de la bouche pour dire « au revoir » avec des mots.

Quand l’enfant en est là (il regarde dans la même direction que vous, pointe du doigt et vous imite), il reste à adapter notre modèle de langage s’il tarde à produire des mots.

OR, quand un des socles est altéré… le langage peut tarder à se mettre en place, et modifier sans que nous nous en rendions compte, le modèle de langage que l’on propose à l’enfant dans le quotidien.
Je m’explique : les parents font beaucoup de choses intuitivement. La nature est bien faite. Leur comportement, porté par les réponses de leur bébé proposent EXACTEMENT ce qu’il faut à l’enfant pour qu’il développe son langage.
MAIS, quand le langage tarde à apparaître, qu’un grain de sable vient gêner les rouages bien huilés de ce développement, alors, tout se dérègle chez les parents.
Exemple : (situation où maman conduit sur la route, enfant derrière dans son siège auto).
-« maman eu ion maman !! maman eu ion !!!
– « le camion mon chéri ?
– nonnnn, eu ioNNNN !
Puis voyant un hélicoptère sur une affiche :
ah l’A-Vion ! (mère heureuse d’avoir enfin compris qui reprend spontanément l’articulation qui a manqué à l’enfant pour se faire comprendre)

La même situation avec un enfant du même âge sans trouble du langage.
– maman l’avion, regarde !
– ah oui… enfin c’est un hélicoptère mon chéri, regarde il n’a pas d’aile mais une grande hélice sur le dessus.

Voilà comment tout se dérègle pour le petit qui parle mal. Tandis qu’on va faire beaucoup d’efforts pour l’aider à prononcer, on va préciser le vocabulaire de son copain qui parle bien. (je simplifie nettement, mais la problématique est bien là).
Un enfant qui est agité « dérègle le modèle de langage de ses parents » : pas question de se poser pour regarder les fleurs au parc… les parents se mobilisent plutôt pour qu’il ne les piétine pas, ou pour ne pas le perdre de vue.
etc…

Voilà donc le travail de l’orthophoniste
1. identifier ce qui gêne le développement du langage
2. identifier les incidences sur la modalité des échanges possibles avec cet enfant-là (que nous invite-t-il à faire avec lui ?)
3. proposer des solutions en intervenant sur les socles ou en proposant des solutions alternatives pour communiquer ET informer les parents des possibles aménagements dans le quotidien qui vont aider l’enfant.

Dans l’article suivant, je vais vous proposer des activités à faire à la maison afin d’aider votre enfant à développer son langage, même si un des socles de son langage (aspect auditif / visuel / praxique / attention) est altéré.

Petit exercice pour les parents qui observent chez leur enfant des difficultés de langage : à votre avis, quel-s socle-s dysfonctionne-nt chez votre petit ? Et pensez-vous que cela a « déréglé » quelque chose dans votre comportement de parent ? Cet exercice sera plus aisé pour les parents ayant des aînés.

Si cet article d’information générale sur le développement du langage oral vous a intéressé, que vous le trouvez pertinent, partagez-le. 🙂