La cantine

 

Confronté au manque d’information des professionnels de la petite enfance (crèche et école)… que peut-il se passer avec un enfant SDS à la crèche et à la cantine pour les repas ?

Quelles difficultés rencontrées ? Quelles solutions possibles ?
C’est avec l’aide d’une maman que je vous propose de répondre aujourd’hui.

 

Quand sont apparues les premières difficultés de ton enfant ?

 

Dès le début de la diversification alimentaire donc je dirais vers 6 mois, ce sont les morceaux dans la compote de pomme (Naturnes de chez Nestlé, je me rappelle bien de ces petits pots) qu’il a recrachés dès la première cuillère. Je me suis dit que j’étais allée trop vite, que je voulais griller les étapes, qu’on avait encore le temps. Mais arrivé à 18 mois, au moment où la crèche décidait que le groupe des moyens était en âge de manger solide, il était déjà trop tard : il n’acceptait rien de solide, rien qu’il ne connaisse pas déjà. Quand j’insistais, on avait le droit à des hauts de coeur qui nous rendait tous malades à table alors on se fâchait et les diners tournaient au cauchemar. Ma fille de 2 ans son ainée, commençait aussi à devenir difficile. Pourquoi “cédait-on” pour lui et non pour elle.

 

Il se plaignait aussi que tout était trop chaud, je lui disais de souffler sur son assiette et il me répondait qu’il n’y arrivait pas, je finissais alors par me fâcher encore. Quel enfant ne sait pas souffler ?? Avec du recul je me dis que je n’ai pas été tendre avec lui, c’est sa première orthophoniste qui m’a expliqué qu’il ne savait/pouvait pas souffler en fait… Vu qu’il ne mastiquait pas, ses joues n’étaient pas assez musclées pour souffler.

Peux tu nous expliquer quelles sont les difficultés qu’il rencontre aujourd’hui ?

Aujourd’hui, grâce aux séances d’orthophonie, il a appris à mâcher et donc à ne pas s’étouffer sur chaque cuillère. Cela lui a demandé pas mal de temps avant de prendre confiance en lui et de se rendre compte que s’il mâchait ce qu’il mangeait, il pouvait déglutir sans soucis. Il a aussi appris à mieux connaître sa bouche et à y mettre les doigts pour décoincer un morceau si besoin. Il n’aimait pas toucher de “choses sales” et pour lui la nourriture et certaines couleurs (le marron notamment comme le chocolat et les biscuits ou encore le pain) étaient synonymes de saleté (je l’ai compris bien plus tard, quand il a commencé à mieux parler).

 

Son trouble a ensuite  évolué. Une fois, la mécanique comprise, il est devenu très sélectif sur ce qu’il voulait manger. Toujours les mêmes purées, les mêmes marques de dessert, peu d’améliorations ni de nouveautés. Et puis sans qu’on ne sache pourquoi, il nous demande quelques fois à goûter quelque chose : du jus d’orange, une salade de pâtes à la truite fumée de chez le charcutier, des knackis balls….. Mais chaque nouveauté faisait limite l’objet d’une obsession et je vous épargne le drame si je n’en trouve plus en stock !

 

Tu m’as dit qu’il avait fréquenté la crèche, comment cela se passait il pour les repas ?

 

Tout allait bien jusqu’à ce que la crèche introduise aussi les morceaux et les aliments solides dans les menus pour son groupe. Malgré ses difficultés, on m’a dit qu’il était en âge de faire comme les autres, que c’était dans sa tête, qu’il ne voulait pas grandir, qu’il fallait que j’arrête d’être aussi anxieuse car il le sentait… Donc il est resté toute une année scolaire sans manger de 8h30 à 17h. J’ai du insister pour qu’on lui donne au moins un yaourt nature l’après-midi. Ils ont aussi refusé que je lui laisse ses Pom’potes sous prétexte qu’une autre petite était allergique à la fraise et que le risque était trop important. Depuis ce moment là, il n’a plus manger de fraise (2010). Ce n’est que depuis cette année qu’il demande de la compote de pomme maison. Un jour il s’est étouffé devant eux : un morceau de pomme de terre dans la purée….  ils ont du le manipuler et ont eu une sacré peur je crois, C’était en juillet avant les vacances. A la rentrée, ils m’annonçaient qu’ils lui serviraient désormais de la purée comme pour les bébés, en prenant bien soin d’expliquer aux autres enfants pourquoi mon fils avait en quelques sortes un traitement de faveur…. Ce que je ne comprenais pas, c’était l’intérêt général avant l’intérêt de l’enfant en souffrance. Il pleurait du coup moins pendant la journée et du coup s’épanouissait plus…. mais c’était déjà trop tard.
Et à l’école maintenant, c’est mieux ?

 

Oui grâce à leur intelligence et leur écoute. Alors qu’il ne connaissait pas mon fils, le directeur qui n’avait jamais entendu parler de ce type de trouble m’a dit que cela ne lui posait aucun problème, “que la différence était une chance” et que tout pouvait s’expliquer simplement aux autres enfants comme aux adultes. Il y avait une autre petite fille dans sa classe qui présentait des troubles de l’alimentation, pour des raisons différentes et je crois que ca a joué. Nous avons mis en place un PAI sans aucun soucis.  Le personnel de la cantine nous a aussi très bien accueillis : mon fils et moi en me disant que cela ne devait pas être facile pour moi la maman. Chose que personne ne m’avait encore dit en 3 ans ! Il y a eu quelques ajustements à faire notamment auprès du personnel de mairie sur les heures de garderie pour expliquer que ce n’était pas de sa faute et que les remarques stupides du type “mais tu veux rester un bébé ?”. J’avoue avoir du mentir, je n’en suis pas fière, je disais qu’il avait eu une petite malformation ORL et que depuis il avait du mal à s’adapter. C’était la seule façon que je voyais pour qu’on le laisse tranquille. Cela a marché : il allait à la cantine sans boule au ventre car il savait ce qu’il y mangerait (ce que je lui avais préparé). S’il m’a demandé de la compote de pomme maison c’est parce qu’il en prépare le matin dans sa classe et pour son dernier jour à la cantine il a demandé à gouter le plat de pâtes servi à ses camarades. Le cuisinier était si content qu’il m’a appelé pour me le dire et lui a offert un cadeau en guis de récompense !

 

Merci Sophie-Charlotte pour ces réponses !

 

Que retenir de tout ça ?

 

1/ Informons ! On voit bien comme les réponses faites par l’environnement à l’enfant peuvent entretenir voire aggraver les difficultés.

Il convient que les professionnels de la petite enfance puissent entendre qu’un enfant qui refuse un repas n’est pas automatiquement un enfant capricieux. Il convient aussi de tolérer que les professionnels manquent d’informations et d’accepter de les informer de ces notions très mal connues encore aujourd’hui. Expliquons avant de nous fâcher ! 😉

2/ Retenons aussi que les PAI existent et qu’on peut tout à fait les mettre en place à l’école pour des enfants présentant des troubles alimentaires importants. Avec l’aide du médecin scolaire, une réunion a lieu permettant de formaliser l’aide ou l’aménagement à proposer à l’enfant au regard de sa pathologie (même transitoire). L’orthophoniste qui suit votre enfant peut intervenir lors de ce genre de réunion afin d’expliquer plus clairement aux équipes en présence (souvent directeur d’école, médecin scolaire et enseignant).