TSA et exploration visuelle : quelle remédiation ?

TSA et exploration visuelle : quelle remédiation ?

Je vous propose de nous questionner autour du sens de la vue. Ce sens fondamental en oralité alimentaire et verbale est particulièrement atypique chez les enfants porteurs deTSA. Intéressée par les travaux récents de ma collègue, je lui ai demandé si elle voulait bien partager son expérience au gré d’un article pour ce blog.

Une fois n’est donc pas coutume, je partage aujourd’hui l’article d’une orthoptiste, Charlotte Gibert, qui exerce à Rouen au CAMSP du CHU, et en libéral.

Merci à elle pour sa contribution !

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On parle de plus des enfants porteurs d’autisme et de leur exploration visuelle atypique. Je vais donc vous exposez brièvement mon travail et vous donner quelques clefs pouvant vous permettre de faciliter vos prises en charge orthophoniques avec ces enfants.

En effet, quelques pré-requis visuels sont nécessaires avant de pouvoir entrer en communication, quel que soit l’enfant.
Il faut :
• une fixation correcte et prolongée
• une attention conjointe
• une émergence de l’imitation (qui impacte notamment les praxies-bucco faciales).
Ces trois pré-requis sont déficitaires chez l’enfant porteur d’autisme.

C’est à partir du visuel que beaucoup de prises en charge commencent… alors comment faire ?

Suite à plusieurs demandes de bilan, je me suis intéressée à ces petits patients et aux nouvelles stratégies de prises en charge de ces troubles visuels bien connus. Malgré les répercussions développementales importantes  (communication, relations sociales, comportements), cela ne fait l’objet d’aucune rééducation orthoptique précise.

Je me suis rendue compte qu’une guidance parentale basée sur la stimulation de la fixation orientée, via l’utilisation de l’outil informatique, permettait une évolution rapide du comportement des enfants en favorisant notamment l’imitation.

En effet, si l’enfant neuro-typique utilise sa vision périphérique pour voir et repérer un objet puis recentrer sa vision pour regarder, analyser avec attention, l’enfant TSA, lui, utilise sa vision périphérique et… s’en contente.

Il faut donc amener cet enfant à utiliser sa vision centrale, bien plus précise, amenant à l’analyse et à l’intérêt.

  • La lampe de poche et le maquillage…

La vision périphérique est, de manière innée, une vision de danger, de surprise. Il fallait donc susciter l’intérêt et le changement.
Je propose une guidance parentale avec l’utilisation d’une lampe de poche tenue par le parents éclairant leur propre visage lors des discussions et interactions parent-enfant quelles qu’elles soient.

J’y associe la mise en place d’un maquillage sur les zones à travailler alternativement (joues, bouche, contour des yeux…), que vous pouvez aussi utiliser en rééducation (rouge à lèvre, lunettes de déguisement..).

  • L’application Snapchat®…

Par ailleurs, l’utilisation de l’application Snapchat® permet à l’enfant, de manière autonome, non pas d’envoyer des photos à ses camarades mais de s’observer directement sur l’écran avec des éléments qui apparaissent sur son propre reflet l’amenant à ouvrir la bouche ou tirer la langue pour y voir apparaitre d’autres objets.
C’est le principe utilisé lorsque l’enfant fait des bulles devant un miroir mais cette double tâche ne permet pas, à mon sens, une intégration optimale de son corps, de l’exploration et des praxies bucco faciales. Cette application permet une simplification de l’observation de son propre visage ET l’interaction avec les éléments extérieurs grâce à une récompense directe, renforçant le comportement.

  • Contrôle avec l’Eye Tracker…

Enfin, pour illustrer l’intérêt de cette prise en charge, rien de tel que l’utilisation de l’Eye tracker afin de vous monter l’importance du visuel et de la stimulation pour avancer dans vos prises en charge.
Voici deux photos avec et sans maquillage, présentées à la suite en commençant par la photo témoin. Il y a un recentrage et une fixation prolongée vers les zones d’intérêts mise en avant et choisies sur la photo maquillée, signe que l’exploration visuelle peut être orientée.
Les 3 points situés sur la photo maquillée, au-dessus de la tête, sont les derniers points observés par l’enfant, par lassitude probablement.

Voici donc comment, vous pouvez, dans vos prises en charge et dans vos conseils donnés aux parents d’enfants porteurs de TSA. On retiendra l’intérêt de solliciter le visuel afin de travailler l’observation, l’imitation, les praxies bucco-faciales et d’améliorer, aussi, la posture, qui devient plus stable grâce à la stabilisation du regard.

Quelques pistes pour compléter :
Look me in the eyes: constraining gaze in the eye-region provokes abnormally high subcortical activation in autism
Sensory Processing in Autism: A Review of Neurophysiologic Findings

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