Troubles de l’oralité : pourquoi intervenir le plus tôt possible ?

Troubles de l’oralité : pourquoi intervenir le plus tôt possible ?

En matière d’oralité, comme dans bien d’autres domaines d’ailleurs, nous remarquons que :
plus on intervient précocement, meilleurs seront « les résultats ».

Pourquoi ?
1- Tout d’abord, la plasticité cérébrale…

Je vous invite à regarder cette vidéo qui, en dehors de l’émotion qu’elle provoque, résume très bien comment le cerveau va se « spécialiser » à force de stimulations répétées dans la vie de tous les jours, et ce, très tôt dans la vie de l’enfant. Les 3 premières années sont capitales.

Cliquez pour regarder cette vidéo de C. Alvarez

Maintenant que vous avez vu ces images, que le sourire s’est accroché sur votre visage en regardant ces tout-petits découvrir les choses simples de la vie,
Maintenant que vous avez pu entendre que ce ne sont pas les meilleures choses qui restent, mais les plus fréquentes,
… vous comprenez sans mal que la répétition de la problématique des repas sera délétère, toxique pour la construction de l’enfant.
On peut dire que  la répétition d’expériences orales (= au niveau de la bouche) négatives (sonde, RGO, nauséeux, vomissements, forçage, …) le sera également.

Plus l’enfant vivra cette situation de repas comme « négative », plus il sera long voire compliqué de « reconstruire une autre histoire » du modèle « repas ».

2- Phénomène de « construction / destruction / reconstruction »

En intervenant très vite après l’apparition des premières difficultés,
voire avant qu’elles ne surviennent,
l’enfant ne va pas / ou moins « construire son schéma « repas » sur ce modèle négatif. Il va juste connaître quelques expériences « négatives ».

Donc :
La prise en charge précoce va permettre à l’enfant :
– de lever au maximum la contrainte pour l’enfant en intervenant auprès de l’enfant et de son environnement
– de prévenir la difficulté / l’hypersensibilité

Ici les professionnels « aident à construire ».

3- Que ce passe t-il quand on attend pour être aidé ?

Essayons de visualiser la situation de l’enfant en imaginant un champ de blé. Un champ de blé avant les moissons. Si vous traversez chaque jour le champ en empruntant le même chemin, en peu de temps, la nature vous aura façonné un petit sentier. Le sentier s’inscrira dans la terre avec quelques passages supplémentaires. Instinctivement, votre corps vous amènera à ce sentier là quand il s’agira de traverser le champ.
Imaginons maintenant que tous les jours, ou très souvent, lors de cette traversée de champ, vous croisez une situation désagréable qui vous effraie quelque peu (un petit monstre surgit, vous touche du bout de ses doigts gluants et crochus… ). Certainement, l’idée même de traverser le champ sera inquiétante, et vous redouterez ce petit monstre en le traversant, allant même peut-être jusqu’à « entendre », « voir », « sentir » des choses qui n’existent pas ce jour-là. 

Ici le schéma s’est difficilement construit.

4- Comment aider plus tardivement ?

Poursuivons à travers notre histoire de champs …
Si un jour l’agriculteur vous dit qu’il faut traverser son champ autrement pour éviter cette situation effrayante vous devrez :
1- penser absolument en abordant le champ qu’il faut le traverser autrement
2- aider la nature à façonner un nouveau sentier en passant de nombreuses fois, comme cela avait été le cas lors de vos premiers passages?
3- Tout cela ne vous empêchera certainement pas de penser à la situation effrayante.
Vous serez certainement encore plus vigilant qu’à l’ordinaire, à moins qu’en cet agriculteur, vous ayez une confiance certaine : après tout, c’est l’agriculteur, il connaît son champ ! 😉
Imaginez qu’une fois, une seule, lors de la traversée de ce nouveau sentier, vous croisiez quand même le petit monstre ? Il serait alors encore plus difficile de faire face à nouveau. Votre passage serait moins « naturel » par cette route là que par la précédente. Vous auriez tendance à reprendre l’ancienne route au départ. Et, sur ce nouveau sentier, vous redouteriez ce que vous imaginiez circuler dans ce champ…

Pour votre enfant, l’histoire est un peu la même. Nous pourrions remplacer la peur par l’intégration d’un stimulus / message désagréable surgissant à ce moment-là qui amène son appréhension de la situation.

pas facile de reconstruire un autre schéma !
Que d’appréhensions à dépasser !

On imagine, je pense, assez facilement que ces procédures sont plus longues et plus coûteuses pour l’enfant. Il ne s’agit alors plus de l’aider à développer son oralité, mais de la rééduquer.

Il faudra pour cela
– une grande confiance
– de la patience (le temps de « créer le nouveau sentier et le réflexe de s’y engager »… comme pour le champ de blé)
– la répétition d’une « traversée du repas » sans encombre.
Mais aussi : du plaisir, comme pour tous les apprentissages !

Et puis évidemment … avoir identifié le / les petit(s) monstre(s) de l’enfant pour l’aider à ne plus les croiser et/ou ne plus en avoir peur.