Néophobie alimentaire ou trouble de l’oralité ?

Néophobie alimentaire ou trouble de l’oralité ?

Comment faire la différence entre un enfant néophobe et un enfant présentant un trouble de l’oralité, ou un SDS (= Syndrome de Dysoralité Sensorielle) ?

La clinique nous permet de pressentir un lien fort entre les troubles de l’oralité et la néophobie alimentaire. Cette dernière s’installerait quand les premiers ne sont pas pris en charge. Il est donc capital de repérer le plus tôt possible ces troubles de l’oralité afin d’éviter la mise en route d’un cercle vicieux autour de la prise alimentaire.

A partir de quel âge peut-on présenter un trouble de l’oralité ?
Dès la naissance, cela peut être compliqué de boire. On ne parle pas encore de « troubles de l’oralité », mais cela peut annoncer une suite difficile et « un trouble » probable par la suite. A la naissance, on retrouve plutôt des problèmes de succion, des problèmes digestifs, des problèmes respiratoires. Les nouveaux nés peuvent avoir du mal à gérer leur premiers pas alimentaires.

Le plus souvent, les premières plaintes apparaissent au moment du passage à la cuiller, mais plus encore au moment du passage aux morceaux. C’est vraiment quand les morceaux apparaissent que les parents commencent à observer des particularités.

La néophobie alimentaire concerne 77% des enfants entre 2 et 10 ans selon un questionnaire proposé à des mères en 1994 (Liliane Hanse)

Les troubles de l’oralité concernent également de nombreux enfants (par exemple, 75% des prémas présentent aussi des particularités alimentaires). Parmi tous les enfants concernés (prémas et autres), certains vont bien évoluer sans intervention extérieure /médicale ou paramédicale, et d’autres vont au contraire s’aggraver. Un travail de prévention serait à faire dans les cabinets de pédiatrie, mais à ce jour, les professionnels relais, susceptibles d’aider ces familles repérées sont très peu nombreux et les médecins trop peu informés sur ces troubles là pour que cette prévention ait lieu.

Qui sont les enfants concernés ?

les troubles de l’oralité s’enracinent dans des profils d’enfants le plus souvent particuliers, mais cet éventail est large et regroupe :
des prémas
des RGO
des allergies
des syndromes (T21, Angelman, Rett, Silver Russel, …)
des troubles neuros : AVC, épilepsie, …
des troubles digestifs (atrésie de l’œsophage, …)
des enfants porteurs de TSA
des enfants EIP (d’après le croisement de mes lectures et l’écoute des familles concernées)
des enfants dys (dyspraxie / dysphasie ) mais aussi retard simple de langage
des enfants issus d’une famille où l’un des parents présente / présentait des troubles similaires.
des enfants hospitalisés souvent ou longtemps dans la première année de vie
des enfants avec des troubles respiratoires sévères (bronchodysplasie du grand préma par ex)
des enfants avec d’autres troubles sensoriels (hypersensibilité / hyposensibilité)

certains de ces « groupes » se superposent, le RGO pouvant être par exemple rangé dans les troubles digestifs, mais écrit ainsi, cela est sans doute plus clair pour tout le monde : c’est LARGE. De plus, le trouble de l’oralité est souvent le premier signe de particularité dans le développement. Les enfants TSA, dys, EIP, … sont rarement repérés comme tels à cet âge.

On comprend donc que ce sont des enfants qui ont souvent des difficultés depuis « longtemps », mais celles-ci passent quelquefois inaperçues. On tolère assez bien, par exemple, un enfant qui mange lentement, ou très peu. On tolère assez bien aussi qu’il soit très exigeant face au type de tétine de biberon et qu’il n’aime pas qu’on en change, au point de refuser de boire. On va le trouver « difficile », mais on ne va pas forcément faire le lien avec des « signes annonciateurs ». Ainsi, quand on interroge les parents sur d’éventuelles particularités précédents les difficultés rencontrées, les familles disent souvent qu’avant cela tout allait TRES bien.

Mais le plus souvent, on retrouve assez aisément des signes annonciateurs quand on interroge les parents : un bébé qui boit mal, lentement, un bébé qui recrache, qui ne supporte pas les irrégularités dans sa purée, ou au contraire qui ne l’aime pas très lisse, mais seulement « comme maman ». L’enfant accroc à son Bledichef, à ses petits habitudes sensorielles. L’enfant qui avale tout rond. L’enfant qui aime la compote mais pas les morceaux de fruits, l’enfant qui ne peut manger qu’à une certaine température, ou qui mange « mieux » à cette même température, …
Ce sont des petits signes qui mis les uns à côté des autres (pas tous, seulement quelques uns suffisent), peuvent alerter, ou mettre la puce à l’oreille.

J’entends de plus en plus de parents commencer à s’alerter après 30 mois, voire 36 quand l’école se profile, et qu’on pressent que le repas à la cantine va être compliqué, ou même plus tard encore, quand le repas de la cantine est réellement là, et compliqué.

Quels signes cliniques repérer ?

Je vous propose, quelques signes qui doivent vous alerter et vous amener à consulter
A 18 / 24 mois :
– enfant qui vomit à l’approche de la cuiller ou d’un aliment
– enfant qui a des hauts le cœur répétés
– enfant qui mange son assiette mixée, mais pas en morceaux
– enfant qui refuse les fruits et légumes en morceaux fermes, mais les acceptent sous une autre forme : gratin bien cuit
– enfant qui avale de travers +++ / qui tousse pendant ou après le repas

A 36 mois
– l’enfant n’a quelquefois plus de nauséeux, mais il en a eu plus petit
– l’enfant tolère mal les changements de marques / de textures
– il mâche des biscuits, du pain, des pâtes, des nuggets, voire des frites, mais ne peut tolérer les fruits et légumes.
– il accepte mieux les légumes en purée.
– il mange 2-3 légumes cuisinés d’une certaine manière, mais pas d’une autre
– il diminue peu à peu ce qu’il accepte de manger
– plus jeune, il présentait un profil avec un des signes forts précisé ci-dessus.
– il n’accepte pas plus les aliments avec une autre personne : son comportement ne s’améliore nul part.

Ces signes sont parfois associés à :
– des difficultés sensorielles : ne supportent pas les manches courtes l’été, les mains sales, toucher des choses au contact bizarre (peu curieux sur ce plan) comme les balles sensorielles, le sable, la pâte à modeler, …
– des difficultés de langage
– un grande rigidité dans le fonctionnement
– une maladresse gestuelle
– une histoire médicale compliquée : prématurité, hospitalisation, RGO, …

Les néophobies chez les tout petits ont des profils plus simples. L’enfant décrète qu’il n’aime plus les épinards (comme les copains de l’école qui disent que ce n’est pas bon), ou refuse de manger pendant un repas, mais se rattrape ensuite quand on ne met pas de pression et qu’on reste bienveillant. Ils modifient leur sélectivité d’une semaine à l’autre. Ils arrêtent de manger les morceaux qu’ils ont mangé avant.

Néanmoins, on ne peut que constater que les enfants présentant des troubles de l’oralité, présentent en grandissant des profils de plus en plus complexes avec des aspects de néophobie sévère où les enfants peu à peu restreignent les aliments pourtant acceptés avant.
On peut dire que les troubles de l’oralité sont de belles autoroutes pour alimenter les néophobies alimentaires.

En cas de doute, il me semble important de consulter pour avoir un avis auprès d’un professionnel connaissant ces troubles là et étant en mesure de les repérer.
Si on les repère rapidement chez les enfants ayant un passé médical évocateur (préma, RGO, allergie, syndrome, …), on les repère moins bien chez d’autres enfants « tout venant » et présentant pourtant possiblement des particularités dans leur développement.
Quand on sait à quel point les prises en charge précoces permettent d’aider plus efficacement les enfants et leur famille face aux difficultés rencontrées, je ne peux qu’inviter à s’interroger sur ces particularités alimentaires précocement.

Pour savoir vers qui se tourner, c’est ici