Etat des lieux de l’oralité en pédiatrie.

Etat des lieux de l’oralité en pédiatrie.

Ce soir, j’avais envie de parler de ces bébés que j’ai croisés en pédiatrie, lors d’une hospitalisation « un peu longue », « un peu loin de maman », où le service avait demandé un avis orthophonique parce que ce petit là buvait mal.

Vous l’aurez compris, je parle là de l’enfant lambda dans une oralité primaire, réflexe, ou d’un enfant plus fragile (une trisomie, un préma, …) qui, hospitalisé pour une bronchiolite ou tout autre chose, perd peu à peu le contact avec …. le biberon ?

L’équipe s’y attelle. Auxiliaire après auxiliaire, le bébé « mauvais mangeur » est aidé par une sonde naso-gastrique et c’est à ce moment là que l’orthophoniste est conviée.

La pédiatrie, ce n’est pas la néonat. Où je travaille, ce sont des territoires bien distincts : dans l’un on propose des stimulations oro-faciales, dans l’autre « on n’est pas là pour ça ». Les équipes de pédiatries sont tout aussi professionnelles, mais ils ne se situent pas (encore ?) dans les soins de développement.

Il m’est donc arrivé de me retrouver face à des bébés qui ne buvaient que trop peu leur biberon, et pour lesquels l’équipe ne savait plus quoi proposer.

Comment sont ces bébés ?

– souvent sans leurs parents présents, ou très « visités » (famille géographiquement éloignée, …)

– souvent fragiles dans leur développement (enfant à qui l’on découvre un problème visuel, qui présente une T21, bronchodysplasique, …)

Certains buvaient très bien à la maison.

D’autres ont eu besoin que leur maman use de stratégies pour parvenir à les faire boire (dans l’installation notamment). La fragilité existait déjà pour certains. Elle s’exprime pleinement à l’hôpital.

L’hôpital ? Pourquoi ? C’est comment ?

Avant de poursuivre, je pense qu’il est nécessaire que je précise le professionnalisme qui règne dans le service que je vais décrire. Une équipe soudée, qui fonctionne bien.


– des professionnels qui se succèdent dans la journée, d’un jour sur l’autre.

– des parfums qui s’enchaînent sur la blouse que les soignants enfilent pour s’occuper de ce bébé là

– des biberons offerts entre deux autres actes.

Quelquefois sereinement parce que le temps le permet, d’autres fois au cœur de conversations de soignants qui s’échangent des informations.

Quelquefois yeux dans les yeux, d’autre fois yeux rivés vers l’espace de la chambre, dos contre le ventre du soignant.

Quelquefois avec le biberon de la maison, d’autres fois avec le biberon du service parce que les consignes pour ce bébé là auront été oubliées.

– des prises de biberon avec des positions variables, des pauses variables.

– des biberons décalés, oubliés, provoqués (parce que les professionnels sont débordés)

– des biberons très longs (« avec moi il boit ! »… en 45 min)

– ou très courts (on le complète avec la sonde, je n’ai pas le temps)

– des pleurs sans consolation

– des soignants qui arrivent avec des mots, puis repartent un peu trop vite

– des doudous (ou des foulards de maman) oubliés sur la table de lange après le change, loin du lit

– des bruits particuliers, souvent forts

Alors… là où nous attendrions pour bien boire :

– l’odeur de maman (favorise la succion)

– une position adaptée

– un environnement enveloppant le bébé d’une voix douce (de maman ?), de gestes caressants

– une sensation de faim

– une certaine stabilité de l’objet à téter

– un cadre empli de rituels rassurants

– d’un temps de biberon suffisant, mais pas trop long

– d’un petit geste d’aide (comme maman le propose)

=> si on retient que l’hôpital est un environnement variable qui ne peut offrir un schéma stable, on comprend vite que l’activité nutritive dans un service de pédiatrie pour nourrissons est inévitablement loin du rêve de la maison.

Le problème c’est que la sonde proposée pour compléter va parfois entretenir la situation délétère, avec des bébés nourrit sans vidange gastrique complète, des bébés qui vomissent, …

Alors qu’est ce qu’on propose ?

Je me souviens d’un enfant que je venais voir plusieurs fois par jour pour le nourrir moi-même. Geste d’aide, pas de parfum le matin, écharpe de maman autour du bébé, posture rassurante (dos callé, œil à œil), biberon de la maison, temps de repas sans forcing (15 minutes)… et surtout pour cet enfant là, oser expliquer à la maman la nécessité de sa présence pour que ça s’arrange vite.

Après 15 jours de galère, ce bébé s’était amélioré rapidement, en quelques jours à peine. Suite à une permission un week-end à la maison, la situation avait fini de s’arranger.

Pour un autre néanmoins, avec ces mêmes stratégies… et une maman bien plus absente, des présences plus irrégulières auprès de ce bébé, les difficultés avaient eu du mal à céder.

Mais que faire quand on constate que malgré notre intervention orthophonique, les rouages de la machinerie d’un service sont tellement huilés que les soins alimentaires apportés sont en dernier sur la liste de ses urgences ?

Certains de ces enfants sont revenus… pour des troubles de l’oralité au moment du passage aux morceaux. Pouvions nous l’éviter en faisant de la prévention lors de notre première rencontre ?

Voilà, orthophoniste démunie, qui court entre deux services et manque de temps. Et en face, plusieurs cas d’enfants par an qui multiplient leur temps d’hospitalisation par 3, par 4 à cause d’une courbe de poids « pas jolie » et d’une sonde pas toujours efficace. Et oui la sonde… la sonde branchée 45 min après la fin de la prise du biberon, allongé dans un lit, … Dois je poursuivre ?

Nous reviendrons à ces histoires de nutrition entérale : il y a tant à en dire !

Nous désirions lancé un protocole de soins pour ces enfants « suivis en orthophonie » dans ces services… et… le manque de temps ralentit les projets.

Il y a beaucoup à faire dans ces services là… mais Est-ce une priorité ?

Parents, vous qui me lisez, si vous avez l’occasion de rester auprès de votre bébé… faites le !