C.Senez. 2/ nutrition entérale : bases

Cet article fait suite à celui-ci : C.Senez.1/problèmes de succion

La nutrition entérale.
C’est là une de ses grands combats lors de sa formation. Elle bataille pour faire entendre aux orthophonistes que les médecins ne se préoccupent pas forcément des répercussions de la nutrition entérale, elle avance qu’ils ne savent pas accompagner l’organisation de cette nutrition-là, et nous recommande donc fortement de nous impliquer sur ce plan auprès de nos patients.

Elle défend fermement cette notion de nutrition entérale qui permet d’éviter le forcing délétère pour l’enfant.

La problématique de la nutrition entérale repose pour Mme Senez sur plusieurs choses : vomissements engendrés, vie sociale et épuisement des familles, apports caloriques. De là, elle aborde :

  • Pour ou contre la nutrition nocturne ?
  • Bolus à la seringue
  • Quel débit ?
  • Que devient la bouche ?

 

Au cœur de ces questionnements : la question fondamentale de la physiologie digestive.

Concernant la physiologie digestive, j’ai surtout retenu cette notion de « réaction en chaîne » qu’elle aborde, notion fondamentale à garder en tête pour le suivi des enfants par la suite, à savoir :

– la bouche appartient au système digestif. Une première déglutition induit deux choses : détente de l’estomac ET fermeture du pylore (l’orifice inférieur de l’estomac), mais aussi péristaltisme oropharyngé et oesophagien.

– le pylore est fermé pendant environ 20 min, le contenu de l’estomac est transformé en bouilli, le chyme, qui ensuite va se déverser très progressivement (3ml par 3ml) dans de duodénum. L’estomac va mettre 3 heures pour se vider chez le bébé.

 

Mais… face à la nutrition entérale, qui orchestre le lancement «digestif » ?

Effectivement, une fois que cette notion est intégrée, on comprend vite que la nutrition entérale qui court-circuite la bouche va entraîner plusieurs problématiques :

Pas de fermeture du pylore parce que pas de déglutition => un passage trop rapide dans l’intestin une intolérance digestive => des douleurs / diarrhées / nausées / vomissements !!

Senez nous rappelle que ces désagréments digestifs ne sont pas des RGO.

Elle avance comme solution celle de provoquer une déglutition avant le lancement de l’alimentation. Pour ce, plusieurs possibilités, allant de la tétine à la fusée d’eau + stimulation par le goût. En proposant cela, le pylore se ferme et le débit de la nutrition artificielle peut être toléré s’il est plus rapide.

 

Et pourquoi pas en continu la nuit ?

Voilà une autre question importante ? Souvent, pour des questions pratiques, on nourrit l’enfant la nuit, en continue. Cela permet d’avoir une vie sociale correcte en journée pour les proches, et de prendre du poids correctement bien sûr ! Mais… notre système digestif est normalement au repos la nuit quand on dort. Et manger induit des changements physiologiques qui vont possiblement perturber le sommeil d’une part, mais aussi amener le matin des nausées, vomissements… et l’absence de faim.

De là elle explique qu’évidemment des bolus semblent plus adaptés en journée parce qu’ils sont plus proches de la physiologie naturelle… mais elle souligne que sans précaution de respect de la chaîne digestive (et de la place de la bouche en particulier), les débits rapides sont mal tolérés comme je viens de le relater plus haut.

 

Et les bolus ? Sur combien de temps ? Pompe ? Seringue ?

Là encore, C.Senez fait un lien avec la physiologie naturelle. Un repas normal pour un bébé, c’est RAPIDE ! Mais quand on branche une nutrition entérale, c’est bien plus lent… sinon l’enfant vomit ! Le manque de déglutition régulière influe sur la digestion du bolus.

Quelle solution ? C.Senez suggère d’intervenir sur le contrôle nerveux de la motricité oesophagienne en proposant des déglutitions pendant la nutrition entérale (toutes les 15 min par exemple), et d’augmenter peu à peu le débit des bolus. Cela de manière prudente, très progressive. Elle propose aussi d’adapter les produits passés par la sonde : certains sont plus caloriques, donc moins de volume pour autant de calorie, ce qui peut être également plus confortable sur le plan digestif.

C.Senez explique, que ces enfants/ adultes qu’on a mené pas à pas à des débits plus rapides peuvent ensuite se passer de pompes de passage. La seringue suffit avec des déclenchements de déglutition.

 

Et cette bouche qui ne mange plus ? Quelles conséquences ?

C.Senez évoque cette notion que je retrouve tellement, et ce dans d’autres situations que celles de la nutrition entérale : sous stimulation => hypersensibilité !

A partir de là, c’est simple d’imaginer le cercle vicieux : nutrition entérale => pas de stimulation de la zone orale => hypersensibilité => perte d’accès aux possibilités d’alimentation par voie orale.

Elle rappelle aussi cette notion fondamentale pour les bébés : les premières années de vie sont des années où la plasticité cérébrale est importante. Sans construction de cette bouche, il va être plus difficile ensuite d’intervenir.

La solution ? La prévention bien sûr ! Si un enfant a une nutrition entérale, elle rappelle qu’il est fondamental de proposer par ailleurs une réponse à cette absence d’informations sensorielles en bouche.

Autres solution… le sevrage dès que cela va être possible, et pour cela… un accompagnement de la famille. Je vous raconterai dans le prochain article les astuces que C. Senez propose pour cela.

Pour ceux qui souhaitent lire directement C.Senez, ou qui voudraient vite en savoir plus sur ce qu’elle « transmet »… Voici son livre.